Émile Marcelin (1825-1887)
Gravure d’après un dessin de E. Marcelin
Par Henri Beraldi
MARCELIN Émile (son vrai nom était Émile PLANAT). — De 1850 à 1870 il a été dans le Journal Amusant et L’Illustration d’abord, puis dans La Vie Parisienne qu’il a fondée, le dessinateur spécial (le mot dessinateur est toujours un peu gros en pareille matière : c’est croquiste qu’on devrait pouvoir dire) de pages humoristiques sur la vie élégante. A lui l’homme et la femme du monde de 1860, l’Opéra de la rue Lepelletier et les Italiens, les premières représentations et les soirées, les bals des Tuileries et les revues, les uniformes des guides et des chasseurs de la garde, les fêtes et les plaisirs, Bade et Trouville. Marcelin a également publié un album lithographique : Le Tabac et les Fumeurs. De l’ensemble de ses mille croquis se dégage, malgré l’intention humoristique, une élégance du moment qui les rendra toujours intéressants pour ceux qui, dans l’estampe, cherchent non le morceau de maître , mais le document. Marcelin était lui-même de ces collectionneurs de l’estampe-document : il possédait cent mille estampes. Ce chiffre seul indique qu’il ne poursuivait pas « la belle épreuve » mais le renseignement.
« Il ne s’est jamais appliqué à compléter des séries », a dit de lui Taine, « et avec les belles gravures il en achetait de médiocres et même de mauvaises, les sachant telles : caricatures, lithographies de modes, frontispices et vignettes, à une seule condition, c’est qu’elles fussent significatives et suggestives ; elles devaient toujours illustrer quelque détail des mœurs, lui faire toucher plus à vif les gens d’autrefois…
Ce qu’il cherchait d’instinct, à travers les figures peintes ou gravées, c’étaient les différences de l’homme aux différentes époques…
Las choses vivantes lui étaient un spectacle comme les choses mortes, le présent lui apparaissait sous la même figure que le passé, c’est-à-dire comme une estampe finale et fraîchement tirée, au bout d’une suite d’autres estampes plus ou moins vieilles et jaunies. La dernière représentation de L’Africaine à l’Opéra , le défilé des équipages hier au bois de Boulogne, telle soirée dans un salon contemporain, telle revue des troupes à Satory ou au Champ-de-Mars, venait s’ajouter comme une variante ou un supplément aux scènes correspondantes qu’il avait vues chez Eugène Lami et Tony Johannot, chez Moreau et Saint-Aubin , chez Pérelle et Sébastien Leclerc, chez Callot et Abraham Bosse.
Marcelin est bien l’homme de 1860, du moment brillant du second Empire, ses personnages ont tous quelque chose de riche, de prospère, de satisfait, de joyeux. Passionné pour l’armée, le théâtre et le monde, il avait une esthétique qui le définit bien ; dix fois, dans ses articles de La Vie Parisienne, il nous a donné les noms de ses trois adorations artistiques : Horace Vernet, le ténor Mario, et Eugène Lami. »
Cet article a été établi à partir de l’ouvrage de Henri Beraldi Les graveurs du XIXe siècle, Paris, 1885-1891. Le texte original est disponible sur Gallica en mode image.