Gibraltar
GIBRALTAR (anc. Calpe, l’une des colonnes d’Hercule) ; (ar. Djebel-al-Tarik, montagne de Tarik), rocher fortifié sur la côte S. de l’Andalousie, appartenant à la Grande-Bretagne, et donnant son nom à une ville, à une baie (à l’O.) et à un détroit qui relie l’Atlantique et la Méditerranée. C’est un promontoire long de 4 kil. 1/2 du N. au S. et mesurant environ 11 kil. de circuit ; un isthme bas et sablonneux de 2 kil. de long et d’un kil. de large le réunit à l’Espagne. Les flancs N.-E. et S.-E. du rocher sont à pic et presque inaccessibles. Du côté de l’O., ils descendent en pente jusqu’au rivage. Le point le plus culminant s’élève à environ 500 m. au-dessus du niveau de la mer. Le rocher se compose de calcaire gris et de marbre ; il est creusé de cavernes naturelles dont la plus grande est celle de Saint-Michel ; une salle de cette caverne renferme des stalactites qui descendent de la voûte jusqu’au sol ; l’entrée se trouve à 333 m. au-dessus du niveau de la mer. Les Anglais ont dépensé des sommes immenses pour rendre imprenable cette position, qui commande l’entrée de la Méditerranée. Les plus remarquables des travaux qu’ils y ont exécutés sont les galeries en tunnel, étagées dans le roc, sur la face septentrionale, longues de 3 à 4 kil., assez larges pour permettre le passage d’une voiture et percées de 10 m. en 40 m. d’embrasures par lesquelles des canons passent leurs gueules significatives. Au sommet se trouvent les casernes et les fortifications, et sur toute la pente occidentale on a établi de fortes batteries. Plus de 1,000 canons sont en position. La garnison est habituellement de 6,000 hommes. La ville de Gibraltar s’étend au pied et sur le coté O. du rocher, près de son extrémité septentrionale, à 85 kil. S.-E. de Cadix ; elle renferme 24,000 hab., dont 6,000 militaires. La population se compose d’Anglais, d’Espagnols, de Juifs et de Maures. La ville est formée principalement par la rue Waterport, longue d’environ 1 kil., bien pavée et bien éclairée. Les principaux édifices sont les résidences du gouverneur et du lieutenant gouverneur, l’amirauté, l’hôpital maritime, les casernes et les magasins. Quoique port franc, Gibraltar fait peu de commerce. L’exportation principale est le vin.
— La baie de Gibraltar, quelquefois appelée baie d’Algésiras, est formée par le promontoire de Gibraltar à l’E. et par le prolongement continental qui se termine à la pointe Santa-Garcia à l’O. Elle mesure 7 kil. de l’E. à l’O. et environ 9 kil. Du N.au S. Vis-à-vis de Gibraltar se trouve la ville espagnole d’Algésiras.
— Le détroit de Gibraltar se trouve entre la partie la plus méridionale de l’Espagne (du cap Europa au cap Trafalgar), et la côte africaine (de la pointe de Ceuta à l’E. au cap Spartel à l’O.).Sa longueur de l’E. à l’O. est d’environ 60 kil. La partie la plus étroite se trouve au S. de Tarifa, où il n’y a pas plus de 14 kil. d’une côte à l’autre.
— Les Phéniciens donnaient à Gibraltar le nom d’Alube, corrompu par les Grecs en Calpe. Ceuta, sur la côte opposée de l’Afrique, était l’ancienne Abyla : ces deux rochers constituaient les colonnes d’Hercule. Les Sarrasins, lorsqu’ils envahirent l’Europe pour la première fois, y débarquèrent sous les ordres de Tarik (ou tarif) ben Zeyad, en avril 711. L’année suivante, Tarik bâtit une fortification sur la hauteur qui reçut depuis lors le nom de Djebel al-Tarik. Après bien des luttes, cette forteresse fut prise par les chrétiens, que commandait le duc de Médina Sidonia, en 1462. Les Espagnols la regardaient comme inexpugnable ; mais elle fut surprise, le 4 août 1704, par les flottes unies anglaise et hollandaise ; elle fut abandonnée à la Grande-Bretagne en 4743. En 1727, les Espagnols l’attaquèrent inutilement avec des forces considérables. Mais le siège le plus mémorable de Gibraltar fut celui de 1779-’83, entrepris par les forces combinées de terre et de mer de la France et de l’Espagne. La garnison, composée de 7,000 hommes commandés par sir Gilbert Eliott (depuis lord Heathfield), opposa une résistance héroïque. Vers la fin de 1781, on employa 1,000 pièces d’artillerie contre la forteresse, tandis que 47 vaisseaux de ligne et une multitude de petits navires la menaçaient par mer et qu’une armée de 40,000 hommes prenait part aux opérations du côté de la terre. Cette entreprise colossale était dirigée par le duc de Crillon. En septembre 1782, les alliés essayèrent de réduire au silence les feux anglais, au moyen de 10 énormes batteries flottantes, construites par le chevalier d’Arçon. Le 13, l’une des plus terribles canonnades, dont l’histoire fasse mention, s’ouvrit de part et d’autre. Vers le soir, les effets des boulets rouges envoyés par la garnison devinrent apparents, et un peu après minuit, 9 des batteries étaient en feu ; la plupart des hommes composant leurs équipages se noyèrent ou périrent par les flammes ou par les explosions. (Voy. Batterie flottante.) En février 1783, le siège fut levé lors de la signature du traité préliminaire de paix.
Extrait du Dictionnaire encyclopédique Trousset, 1886 – 1891.
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