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La figure sombre et pensive d’Aramis apparut…

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Aramis apparut
Commencé de cette héroïque façon, le souper devint promptement une fête ; nul ne s’occupa plus d’avoir de l’esprit, personne n’en manqua. La Fontaine oublia son vin de Gorgny, et permit à Vatel de le réconcilier avec les vins du Rhône et ceux d’Espagne. L’abbé Fouquet devint si bon, que Gourville lui dit : — Prenez garde, monsieur l’abbé, si vous êtes aussi tendre, on vous mangera.
Les heures s’écoulèrent ainsi joyeuses et secouant des roses sur les convives. Contre son ordinaire, le surintendant ne quitta pas la table avant les dernières largesses du dessert. Il souriait à la plupart de ses amis, ivres comme on l’est quand on a enivré le cœur avant la tête, et pour la première fois il venait de regarder l’horloge. Soudain une voiture roula dans la cour, et on l’entendit, chose étrange ! au milieu du bruit et des chansons. Fouquet dressa l’oreille, puis il tourna les yeux vers l’antichambre. Il lui sembla qu’un pas y retentissait, et que ce pas, au lieu de fouler le sol, pesait sur son cœur. Instinctivement son pied quitta le pied que madame de Bellières appuyait sur le sien epuis deux heures.
— M. d’Herblay, evêque de Vannes! cria l’huissier. Et la figure sombre et pensive d’Aramis apparut sur le seuil entre les débris de deux guirlandes, dont une flamme de lampe venait de rompre les fils.
 
Extrait du Vicomte de Bragelonne, par A. Dumas père, publié dans Les Bons Romans, 1862.

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