Gravure
GRAVURE s. f. Art ou manière de graver : s’adonner à la gravure.
— Ouvrage du graveur : la gravure de ces planches est fort soignée.
— Estampe. Pour nettoyer une vieille gravure, on la place entre deux feuilles de papier blanc que l’on saupoudre extérieurement de chlorure de chaux sec pulvérulent. On presse le tout, en le mettant sous une pile de livres, pendant un jour ou deux. Le chlorure de chaux agit comme décolorant, sans attaquer la pâte du papier. Il est prudent de procéder par des expériences d’essai et de se faire la main sur des objets sans valeur, avant d’opérer sur des gravures de prix.
— Encycl. La gravure est l’art de produire des figures sur une surface plane, soit au moyen d’incisions ordinairement peu profondes, soit à l’aide de mordants, soit enfin par les procédés de ciselure et de sculpture. L’origine de la gravure est enveloppée d’obscurité. Les Chinois gravaient sur bois dès une période très reculée, et on suppose que cet art fut introduit de Chine en Europe par des marchands vénitiens. Marco-Polo décrit la fabrication du papier-monnaie, en Chine, et dit que cette fabrication avait lieu en marquant le papier au moyen d’un sceau couvert de vermillon (fin du XIIIe siècle); mais cet art si simple ne fut même guère admis, en Europe, qu’un siècle plus tard. Beaucoup d’ouvrages imprimés en Italie, en Allemagne et en Angleterre, pendant la dernière partie du XVe siècle, sont ornés de gravures généralement grossières formées de lignes épaisses et lourdes. L’art du graveur fit ensuite de rapides progrès, et, au commencement du XVIe siècle, il atteignit à un haut degré de perfection. Vers 1610, la gravure sur bois commença à décliner ; on finit par ne plus l’employer que pour la tapisserie et pour l’impression du calicot. A une époque récente, elle prit un nouvel essor, par suite de la création de plusieurs journaux illustrés : Penny, Magazine, en Angleterre (1832), Musée des Familles, Magasin pittoresque en France. Des perfectionnements ont permis à la gravure sur bois de reprendre sa place dans la publication des livres illustrés, d’où la gravure sur métaux l’avait chassée pendant quelque temps. La gravure sur métaux fut inventée vers le milieu du XVe siècle. Les premières œuvres en ce genre furent exécutées sur fer-blanc, sur zinc ou sur fer ; mais le cuivre fut bientôt considéré comme le métal le plus convenable, et, jusqu’à l’époque de l’invention de la gravure sur acier, il fut presque exclusivement employé. L’art de graver sur cuivre se répandit rapidement en Europe et devint florissant en Italie, en Allemagne, dans les Pays-Bas et en France.
— Les différentes espèces de gravures peuvent être séparées en trois divisions.
— 1° Gravure en relief, sur bois ou sur métal. C’est la gravure dont l’impression présente le moins de difficulté ; aussi est-elle aujourd’hui la plus répandue pour tous les sujets destinés à être tirés en épreuves sur papier ; elle présente, sur les autres genres, l’avantage de s’imprimer comme les caractères ordinaires et de pouvoir se tirer dans le texte ou hors texte. On exécute, en gravure sur cuivre ou sur acier, les estampilles, les poinçons, les vignettes ou les ornements des billets de banque et des actions industrielles, et les ornements que les relieurs placent sur le dos ou sur le plat de leurs livres. Mais la gravure la plus populaire est la gravure sur bois ou xylographie, si employée aujourd’hui pour l’illustration de la plupart de nos livres. La xylographie, inventée par les Chinois vers le x° siècle, a été longtemps un procédé d’impression pour les images, pour les cartes géographiques, et même pour les livres, avant Gutenberg. (Voy. ce nom.) Il y eut en Europe des tailleurs de bois dès le XIIIe siècle. L’art de la gravure sur bois dut ses premiers perfectionnements à Albert Durer et à ses élèves (XVIe siècle). Vers la même époque vivaient en France des artistes distingués, tels que Tollat, Raefé, Garnier, Salomon, Cruche et Cousin; plus tard, nous eûmes, sous Henri IV, Leclerc et Pierre Rochienne; sous Louis XIII, Etienne Duval et Palliot; au XVIIIe siècle, les Papillon, les Lesueur, Godard d’Alençon; après quoi, l’art tomba et ne fut plus guère représenté que par des images grossières, publiées principalement à Epinal. Après 1830, les fameux artistes Best et Leloir formèrent une nombreuse école d’excellents graveurs dont les chefs-d’œuvre populaires illustrent nos publications contemporaines.
— On peut employer du bois d’acajou, d’érable, de pin, de poirier, de pommier et de hêtre ; mais on ne grave point de travaux de luxe sur d’autre matière que le buis. La planche dont on se sert présente, comme épaisseur, la hauteur, des caractères d’imprimerie. Quand elle est bien dressée et bien polie, on la couvre d’une légère couche de blanc de zinc délayé dans de l’eau gommée et un peu d’alun. Sur ce fond blanc, le dessinateur trace sa composition au crayon dur, à la mine de plomb, à l’estompe, à la plume, avec de l’encre de Chine ou au pinceau. Ensuite commence le travail du graveur, travail qui consiste à enlever, à creuser, à champlever, au moyen des outils représentés dans notre figure 1, toutes les parties blanches du dessin, à laisser en relief les parties noires et à rendre les diverses teintes par des lignes et des hachures ou tailles plus ou moins serrées. C’est surtout dans cette partie de l’interprétation que se révèle le talent du graveur.
— Les lignes parallèles, dont on fait un si fréquent usage pour imiter les surfaces unies, s’obtiennent au moyen de machines, dont l’une des plus perfectionnées est représentée par notre figure 2.
Avant de livrer la gravure à l’imprimerie, l’artiste se rend compte de l’effet qu’il a obtenu en tirant un ou plusieurs fumés ou épreuves au noir de fumée. Aujourd’hui on n’imprime plus guère sur la gravure elle-même ; on a recours aux clichés. Ceux-ci sont obtenus en reproduisant la gravure par un procédé analogue à celui que nous avons décrit à notre article Clichage ; les clichés sont ordinairement revêtus d’une couche de cuivre, au moyen de la galvanotypie.
— Le public qui admire les belles gravures sur bois répandues dans le commerce de la librairie, ne se rend pas toujours compte des difficultés sans nombre que les artistes ont eu à vaincre pour produire ce travail. Après le marchand de bois qui a préparé les planches, après le dessinateur qui a mis son génie à produire une composition intéressante, après le graveur, qui s’est évertué à rendre, non seulement le dessin exact, mais aussi et surtout l’intention du dessinateur, il reste encore à accomplir un travail indispensable, sans lequel les épreuves viendraient sans relief : nous voulons parler du découpage, mission trop peu appréciée de l’imprimeur. Quand on compare une des meilleures gravures sur bois imprimées il y a un demi-siècle avec nos gravures les plus médiocres, on donne la préférence à ces dernières, parce qu’elles sont imprimées d’après le procédé imaginé vers 1840 par Aristide Derniam. Le découpage consiste à faire ressortir les blancs ou parties éclairées, et à nuancer, à dégrader, à ménager, selon leur importance, les noirs ou ombres. Pour cela, le metteur en train, ayant tiré plusieurs épreuves de la gravure, découpe sur ces épreuves, avec la pointe d’un canif, les parties qu’il faut charger ; il colle ces découpages sur le cylindre de la machine à l’endroit où les noirs doivent être obtenus; il faut plusieurs découpages subséquents pour arriver à reproduire, dans le tirage des gravures sur bois, les nuances qui font le mérite de la taille-douce.
— Gravure en relief a l’eau-forte. On n’a encore réussi dans ce genre de gravure que sur le zinc (voy. Gillotage), et l’on obtient des planches que l’on peut imprimer en typographie comme les clichés de gravures sur bois.
— 2° Gravure en creux, sur métal. Avant le XVe siècle, ce procédé de gravure était exclusivement réservé pour orner les bijoux. En 1452, Maso Finiguera trouva moyen de graver de grandes planches de métal pour en obtenir des épreuves appelées estampes. Les planches de cuivre ne donnant guère plus de 3 000 à 4 000 épreuves, on lui préfère l’acier qui en fournit facilement 20 000.
— On distingue : A. La gravure au burin ou taille-douce. C’est d’elle dont on obtient les plus beaux résultats. Il est rare que l’on emploie le burin seul ; d’ordinaire, on se contente de terminer avec cet instrument le travail préparé à l’eau-forte. Les draperies et les parties délicates des chairs sont faites à la pointe sèche, c’est-à-dire sans le secours d’aucun acide. L’école française de gravure en taille-douce a commencé dans la seconde moitié du XVIe siècle ; elle prit un grand essor sous le règne de Louis XIII, époque où vivait Callot ; sous le règne suivant, elle devint la première du monde.
— B. La gravure a l’eau-forte. Pour graver à l’eau-forte, on prend une plaque métallique (ordinairement de cuivre, d’acier ou de zinc); on couvre cette plaque d’un vernis inattaquable à l’acide que l’on veul employer ; ce vernis étant séché, on le noircit à la fumée d’un flambeau ; ensuite, sur ce fond noir, on décalque le dessin à reproduire et on le trace en enlevant le vernis ; pour cela, on emploie des aiguilles, des pointes, des échoppes de diverses grosseurs, pour former des lignes plus ou moins épaisses, plus ou moins délicates. Ordinairement le vernis est composé d’asphalte et ue cire; mais il existe plusieurs sortes de vernis, les uns durs, les autres mous. Le dessin étant bien reproduit sur la plaque, on entoure celle-ci d’un rebord de cire ; et l’on verse sur le dessin de l’eau-forle ou acide nitrique étendu d’eau ; l’acide entame le métal aux endroits où la pointe l’a mis à découvert.
On appelle eau-forte de peintre, la planche gravée ainsi d’une manière définilive, et eau-forte de graveur, celle qui doit être terminée au burin.
— Il existe encore des gravures à l’eau-forte datant du xv° siècle; c’est donc par erreur que l’on attribue à Durer ou au Parmesan l’invention de ce procédé. La plupart des grands peintres furent, en menu temps, graveurs à l’eau-forte.
— La gravure sur verre doit à Bourdier, de Paris, ses perfectionnements les plus importants (1799). Le procédé diffère de celui de la gravure sur métaux. Le verre étant préparé, couvert d’un vernis et marqué du dessin, on le place au-dessus d’un vase de plomb, duquel on fait dégager de l’acide hydrofluorique.
— Machines à graver. On se sert de diflérentes machines dont notre figure 2 peut donner une idée. La machine de Conté sert à faire avec la plus grande régularilé des séries de lignes parallèles également espacées, comme cela est nécessaire pour les ciels de grandes gravures. La machine des Colas reproduit en taille-douce les effets de relief ou d’enfoncement d’une médaille ou d’un bas-relief.
C. La gravure au pointillé. Elle doit son nom à ce qu’elle emploie, au lieu de tailles, des points disposés par séries. Les plus anciennes estampes de cette espèce datent de la première partie du XVIIe siècle. Cette gravure s’obtient soit avec le burin seul, soit par le mélange du burin et de l’eau-forte. Le burin est quelquefois remplacé par le maillet.
— Les meilleurs artistes dans ce genre furent Morin, Boulanger et surtout Hopwood.
— D. La gravure en manière de crayon. Ce procédé, inventé en 1756 par les graveurs parisiens François et Demarteau, est aujourd’hui remplacé par la lithographie. Il consiste à promener sur une plaque de cuivre vernie une roulette portant des aspérités inégales.
— E. La gravure en mezzo-tinto ou à la manière noire. Ce procédé, dû à François Aspruck (1601), consiste à bercer sur la planche un instrument nommé berceau, qui est en arc de cercle et armé de pointes aiguës ; on recommence une vingtaine de fois l’opération jusqu’à ce que l’épreuve donne un noir parlait. On décalque le dessin sur la planche et on abat le grain produit par le berceau, d’abord en entier dans les parties claires et ensuite plus légèrement dans les demi-teintes et les parties ombrées.
— F. La gravure au lavis ou aqua-tinta. Elle imite les dessins au lavis faits à l’encre de Chine, au bistre ou à la sépia. Elle s’exécute au moyen des mordants, en plusieurs opérations, en commençant par graver à l’eau-forte les contours de la figure et en faisant mordre, en dilférentes fois, les ombres plus ou moins faibles. La gravure au lavis a été inventée, vers 1660, par Hercule Zeghars. — G. La Gravure sur pierre. Elle s’exécute sur pierre lithographique. Elle réussit particulièrement pour le dessin au trait et pour le dessin topographique et géographique ; les bons artistes seuls lui font perdre sa sécheresse et sa froideur. Le dessin tracé au crayon gras, on encre avec un vernis composé de cire vierge, de poix noire, de poix de Bourgogne, de poix grecque et d’essence de térébenthine. On borde la pierre avec de la cire, et l’on fait mordre avec une petite quantité d’acide nitrique étendu d’eau.
— H. La gravure de musique. Elle s’opère ordinairement sur métal, à l’aide du burin et de poinçons que l’on frappe avec un marteau. Les paroles se gravent en taille-douce.
— 1. La gravure héliographique. Elle s’exécute sur acier et sur verre. On enduit la plaque d’un mélange de benzine, d’essence de zeste de citron et de bitume de Judée ; on la place dans une chambre obscure pour obtenir l’image, et ensuite dans une boite semblable a celle qui sert à passer la plaque daguerrienne au mercure. Dans le fond de cette boite se trouve une capsule contenant de l’essence d’aspic pure que l’on chauffe avec une lampe à l’alcool. On fait ensuite sécher la plaque, on la soumet à l’action de l’eau-forte et on fait des retouches au burin quand la gravure n’est pas assez vigoureuse.
— 3° Gravure en bas-relief. On donne ce nom a une espèce particulière de sculpture et de ciselure.
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