Une patrouille de Suisses parut dans le jardin
L’échelle arriva juste à l’arête de la corniche, c’est-à-dire presque à l’appui de la fenêtre, de sorte qu’un homme placé sur l’avant-dernier échelon, un homme de taille moyenne, comme était le roi, par exemple, pouvaitfacilement communiquer avec les habitants ou plutôt les habitantes de la chambre. A peine l’échelle fut-elle posée, que le roi, laissant là l’espèce de comédie qu’il jouait, commença de gravir les échelons, tandis que Malicorne tenait l’échelle. Mais, à peine était-il à moitié de sa route aérienne, qu’une patrouille de Suisses parut dans le jardin et s’avança droit à l’échelle. Le roi descendit précipitamment et se cacha dans un massif. Malicorne comprit qu’il fallait se sacrifier. S’il se cachait de son côté, on chercherait jusqu’à ce que l’on trouvât ou lui ou le roi, et peut-être tous deux. Mieux valait qu’il fût trouvé tout seul. En conséquence, Malicorne se cacha si maladroitement, qu’il fut arrêté tout seul. Une fois arrêté, Malicorne fut conduit au poste ; une fois au poste, il se nomma ; une fois nommé, il fut reconnu. Pendant ce temps, de massif en massif, le roi regagnait la petite porte de son appartement, fort humilié et surtout fort désappointé. D’autant plus que le bruit de l’arrestation avait attiré la Valliére et Montalais à leur fenêtre, et que Madame elle-même avait paru à la sienne entre deux bougies, demandant de quoi il s’agissait.
Extrait du Vicomte de Bragelonne, par A. Dumas père, publié dans Les Bons Romans, 1862.
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